Dans le tarot de Viéville comme dans la tradition des tarots de Marseille, il est remarquable que la carte se divise en deux carrés. C’est le double carré où chaque carré représente le haut et le bas mais surtout la principale clé du tarot.
Voici la vidéo traitant de ce sujet :
Paradoxalement, ce double carré est tellement visible qu’on ne le voit pas ! Il est évident à l’arcane VI et à l’arcane VIII (du Viéville, l’arcane VII le chariot du tarot de Marseille).
Là, tout particulièrement, il ne peut pas échapper que la carte est scindée en deux. A l’arcane VI l’angelot est au ciel, les amoureux et l’entremetteur sont au sol terrestre. Par ailleurs, que viendrait faire cet angelot dans le monde terrestre ? Comme expression de la désincarnation sur un autre plan d’existence, il est évident qu’il appartient au monde céleste.
La notion du Ciel et de la Terre est le fondement de toutes les théologies.
Saint-Agustin dans ses Confessions y consacre un Livre (Livre XII) et nous en donne une belle définition : « Que Dieu a créé d’abord le ciel, c’est-à-dire les substances spirituelles qui jouissent de son éternité ; et la terre, c’est-à-dire la matière première dont tous les corps ont été tirés. »
Dans le tarot le double carré représentant le Ciel et de la Terre est une polarisation de l’Esprit et de la Matière, du monde terrestre et du monde céleste, et plus prosaïquement des élans spirituels et de la nécessité matérielle. C’est d’ailleurs au point de jonction de ces deux carrés que se trouve l’équilibre, « le centre de l’action » comme je l’ai nommé, et qui est aussi le centre des préoccupations.
Voilà donc ce que je considère comme la première clé de compréhension du tarot qui nous aide considérablement dans le décryptage des arcanes. Tout particulièrement pour les arcanes mineurs, car dès lors, le haut et le bas des cartes prend un sens. Voyez la plante anthropomorphe du 7 de denier et la disposition en triangle et en carré des deniers : la carte prend une nouvelle signification, un nouveau sens, selon que le carré et la plante sont projetés au sol ou au ciel (voici une autre clé : le carré associé au nombre 4 symbolise la terre, le triangle associé au nombre 3, le ciel).
Bien évidemment cette conception du Ciel et de la Terre dans le tarot contrariera ceux qui s’imaginent que le tarot est laïque. Mais dans cette dernière hypothèse, je prétends que le tarot – qui est ésotérique par nature et par destination – est incompréhensible car incohérent.
Je postule que le tarot – dont le nom mystique est la Rota, la roue des mondes – est une œuvre profondément mystique, l’extériorisation dans un jeu de cartes anodin de la Sagesse Antique des Anciens, dont l’alchimie, la science des transmutations de l’énergie, si présente dans le Viéville, est un des corollaires.
Dans l’hypothèse où le tarot commence à l’As de denier – la graine, le germe, le commencement de la Vie – dans le Viéville le premier mot qui apparaît (en haut à gauche de la carte) est PERE SAINCT FAIT. C’est une allusion sans équivoque à la création du monde par une entité supérieure, un Grand Architecte De L’Univers.
Il existe nombre d’autres inférences de ce postulat dans le tarot, comme l’ange de l’arcane XX qui est une claire indication de la représentation des hiérarchies angélique ; une notion bien lointaine et obscure pour l’esprit rationaliste contemporain mais encore vive dans la conscience de l’homme du XVIIème siècle.
Cette clé du Ciel et de la Terre est pour le tarot l’équivalent du La à 440 hz, le diapason de référence de la musique sur lequel s’accorde l’orchestre.