Description
Deux épées fichées dans la mandorle formée par les fourreaux se croisent à leurs extrémités.
Impression
La couleur noire domine cet arcane et lui donne un aspect sombre. Le rouge contraste fortement. Ajouté à d’autres détails sur les lames des épées, la tache d’encre sur la poignée de gauche est inquiétante.
La division
Nouvelle évolution dans la série des épées, nous voyons que les épées se sont dédoublées. C’est la séparation de l’unité en deux parties, la division. Toutefois, c’est un processus assez différent de la division dans l’œuf que nous avions identifié au Huit de coupe : plutôt qu’une multiplication par bourgeonnement, au Dix d’épée la séparation se fait par tranchage car, par destination, l’épée coupe et divise ce qui était uni.
Croiser le fer
Situation nouvelle, les deux épées sont imbriquées dans la mandorle, c’est-à-dire dans les quatre couches de l’aura humaine comme nous l’avons vu. La quatrième couche représentant « notre interaction avec l’univers dans son ensemble », vouée aux relations, cette imbrication des deux épées dans la même mandorle montre que, d’une manière ou d’une autre, dans la haine ou dans l’amour, elles sont puissamment en interaction. Le contact entre les extrémités des deux épées est “électrique”.
Dans son ouvrage Guérir par la lumière, Barbara Ann Brennan fait la description d’observations d’interactions auriques au cours des relations. Ces interactions auriques sont soit positives, soit négatives :
« Nous établissons des connexions positives grâce aux cordes des chakras, échangeons de l’énergie positive par nos banderoles bioplasmiques, exaltons nos vibrations et nous offrons réciproquement clarté et légèreté par induction harmonique. Chacun accepte l’autre sans s’efforcer de le manipuler, sait ne pas se faire maltraiter, garde un bon équilibre et communique bien.
Mais nous cultivons aussi, par peur et ignorance, et le plus souvent inconsciemment, interactions et manipulations réciproques négatives par nos champs. Nous essayons d’aligner les inconfortables pulsations de l’autre sur les nôtres par induction harmonique, tiraillons en tous sens les banderoles d’énergie bioplasmique ou bloquons le flux énergétique, et cherchons à enlacer l’autre des cordes qui nous relient. Ces mouvements invisibles à l’œil nu n’ont pas de secret pour le haut sens de perception.[1] »
Les deux épées dont les extrémités se rejoignent à l’intérieur de la mandorle sont l’illustration de l’expression « croiser le fer » qui désigne le combat d’épée, le duel.
De nombreux détails sur les épées montrent l’extrême tension de la situation : le trait noir est interrompu sur l’épée de droite, une tache noire affecte la lame ; la ligne médiane sur la lame de l’épée de gauche est coupée, la poignée est décalée et brisée, le jaune a disparu au dessus de la lame, les fourreaux se délitent dans la direction du futur terrestre. Egalement, les épées sont trop engagées dans la mandorle pour être retirées – celle de droite est engagée par la lame entre les couches mentales et émotionnelles de la mandorle/aura – que ce soit au niveau des poignées ou des gardes soudées aux barres rouges, ou des lames fragilisées : l’action est irréversible et l’état général des épées indiquent qu’il ne peut pas y avoir de véritable gagnant dans cette confrontation brutale. Surtout, l’énorme tache d’encre noire qui a bavé au niveau de la poignée de l’épée de gauche, là où s’effectue le maniement de l’épée par la main, exécutrice des décisions du mental, signale que quel que soit le résultat du duel, la marque en sera indélébile, l’action sera inscrite durablement dans les mémoires et certainement au niveau karmique :
« Ô Hamlet, ne dis plus rien !
Tu tournes mon regard vers le fond de mon âme,
Et je vois là des taches d’un noir de si grand teint
Qu’elles ne s’en iront pas.[2] »
Finalement, le duel, fruit de la division, est la plus mauvaise solution pour dénouer une situation qui s’est inextricablement prolongée vers le conflit ; mais c’est une solution. On pourrait définir cette combinaison par l’expression harmonie par le conflit[3].
Les canevas
Avant tout on remarquera que les canevas sont réguliers et que, par comparaison, le canevas dégradé du Neuf d’épée est une exception dans la série d’épée.
Au Dix d’épée le maillage du canevas est régulier. Il est possible que ce maillage complexe, même inextricable, soit le résultat d’une construction mentale très concrète, parfaitement polarisée dans le « pour et le contre » et d’où la vérité ne peut sortir tant le discours est structuré. On peut imaginer que l’autorité terrestre ne puisse démêler le vrai du faux d’un écheveau si complexe et qu’une telle situation aboutisse à un duel judiciaire que les anciens tranchaient par l’ordalie, le « jugement de Dieu ».
Le croisement des fourreaux dans les canevas donnent 7 x 8 = 56 dans le carré terrestre et 8 x 9 = 72 dans le carré céleste. Nous reconnaissons le nombre 72 dont nous savons qu’il est au centre des correspondances cosmiques du Viéville. Il y a une progression qui se dessine de la Terre au Ciel : de 7 par 8 à la Terre et de 8 par 9 au Ciel. Tout se passe comme si l’action dans le carré terrestre – où se situent les poignées des épées, centre névralgique de l’action – se répercutait et s’amplifiait dans le carré céleste ; ce pourquoi nous trouverions cette progression du 56 au 72. On remarquera exactement au centre du canevas du carré céleste une petite tache noire, témoignant de la répercussion progressive – on peut imaginer que la tache ira en s’agrandissant – de l’action négative du terrestre dans les sphères célestes.
On notera aussi que l’addition 56 + 72 donne 128, le même résultat que l’addition des dents des deniers au Dix de denier ; créant ainsi un lien entre ces deux arcanes, le Dix de denier étant sur le schéma de l’arcane XXI car il en reproduit la mandorle.
Absence de traces-fantômes en filigrane
Dans la série des épées, les Cinq, Six, Sept, Huit, Neuf et Dix d’épées sont l’exception dans le Viéville car ils n’ont pas de traces-fantômes en filigrane. S’il y a là une intention du cartier alors cela signifie qu’ils ne sont donc pas reliés entre eux ni avec d’autres arcanes ; en quelque sorte comme s’ils étaient isolés du reste du jeu. Ce que semble nous dire le Viéville c’est qu’ils forment une classe à part, comme si leur évolution était si particulière qu’elle ne pourrait être comparée aux cartes précédentes des autres séries.
Sens synthétique
Le Dix d’épée est l’expression des grandes difficultés rencontrées dans les rapports entre les hommes, de la division et de la lutte qui s’ensuit ; combat fratricide en quelque sorte car nous sommes tous issus de la Vie Une, de la vulve de la Mère du Monde symbolisée ici par le centre de la mandorle.
[1] Ed. Tchou, p.259.
[2] Gertrude, mère de Hamlet in Hamlet, W. Shakespeare, acte III scène 4, éd. R. Laffont.
[3] Voyez le chapitre « Les sept Rayons » à l’As de coupe.